Rencontre avec le BAJ, le Bureau d’Aide Juridique (JUIN 2021)
En date du 25/03/2021, Maître Sarah DENIS, avocate au barreau francophone d Bruxelles et membre du Bureau d’Aide Juridique (le BAJ) francophone de Bruxelles, nous a expliqué le fonctionnement de l’aide juridique de 1ère et de 2ème ligne en nous présentant le nouveau site du BAJ : https://bajbruxelles.be/
Le BAJ c’est quoi ?
C’est une organisation qui rassemble des avocats volontaires et dont la mission est de favoriser l’accès à la justice en permettant à certaines catégories de personnes parmi les plus défavorisées de bénéficier de l’assistance gratuite (ou quasi gratuite) d’un avocat spécialisé dans la matière juridique de leur litige.
Sur Bruxelles, il y a un bureau francophone et un bureau néerlandophone dont les bureaux sont dans le même immeuble mais à des étages différents. Pourtant il n’y a pas de transfert de dossier entre les 2, si vous vous êtes trompé de langue, il faudra réintroduire votre dossier dans le bon service. Les coordonnées du service néerlandophone sont disponibles ICI.
Ces dernières années, le BAJ a vraiment accordé une grande importance à la qualité de son service et à la formation permanente de ses membres. Pour cela, il est divisé en différentes sections selon les matières du droit traitées (droit des étrangers – droit de la jeunesse – droit fiscal…) et chaque avocat ne peut s’inscrire que dans maximum 3 spécialités différentes. Pour s’inscrire dans une section, il faut réussir un examen puis chaque année suivre une série de formations sur le sujet pour un total de 10 points-avocat. De plus, après chaque prestation pour le compte du BAJ, l’avocat doit rédiger un rapport qui sera contrôlé par un inspecteur et dont la qualité peut influer sur sa rémunération.
En effet, ce n’est pas parce qu’on parle d’aide juridique gratuite que les avocats travaillent bénévolement. Si l’usager ne doit rien payer (ou presque rien en cas d’aide juridique quasi gratuite), chacune des prestations de l’avocat est indemnisée par le Fond d’Aide Juridique de 2ème ligne. Ce fond est constitué entre autres par la contribution 20,00€ réclamée à chaque personne qui dépose une affaire en justice, (sauf bien sûr si ce requérant bénéficie de l’aide juridique gratuite). C’est pour ça qu’on appelle un avocat qui fournit une prestation d’aide juridique gratuite un PRO DEO.
Cependant, il faut savoir que les tarifs appliqués par le BAJ sont bien inférieurs à ceux que peuvent pratiquer certains avocats dans le privé et que le paiement prend du temps. L’analyse de ses rapports prend du temps et le fond n’effectue ses versements qu’une fois par an, aux environs de mai-juin. Voilà pourquoi les avocats PRO DEO sont souvent des jeunes qui se lancent et rares sont ceux qui font ça à plein temps.
Comment s’organise l’aide juridique gratuite :
Le BAJ est donc un pion essentiel de l’Aide Juridique gratuite. Cependant ce n’est pas la seule organisation impliquée. Il y a en effet 3 façons de bénéficier de l’aide juridique gratuite :
1° L’aide juridique de 1ère ligne :
L’aide juridique de 1ère ligne consiste à fournir une première consultation juridique gratuite à toute personne qui en fait la demande, peu importe son revenu.
Quiconque est confronté à une question d’ordre juridique peut contacter la Commission d’Aide juridique, la CAJ, qui le mettra en relation avec un avocat de permanence, spécialisé dans la matière juridique du litige en question. Les avocats de permanence font souvent partie du BAJ mais ce n’est pas obligatoire. Cet avocat s’efforcera de répondre à la question, mais ne posera aucun acte pour la personne et n’effectuera pas non plus de suivi.
Si le problème nécessite une prise en charge plus importante ou une action en justice, il pourra proposer à la personne de prendre un avocat, et vérifiera s’il est dans les conditions pour bénéficier de l’aide juridique de 2ème ligne.
Avant le Covid, les consultations étaient accessibles de 2 manières soit dans les bureaux du BAJ, soit via une permanence « décentralisée » qui tournait dans différentes communes de Bruxelles. C’était le système du Justibus qui est pour l’instant suspendu. Actuellement, les consultations juridiques ont lieu uniquement par téléphone.
A noter que la CAJ n’est pas la seule organisation à proposer de l’aide juridique de 1ère ligne.
Pour savoir comment contacter la CAJ, cliquez ICI.
Pour savoir comment contacter une autre organisation qui pratique l’aide juridique de 1ère ligne, cliquez ICI.
2° L’aide juridique de 2ème ligne
L’aide juridique de 2ème ligne permet la désignation d’un avocat chargé de défendre gratuitement ou quasi-gratuitement les intérêts de la personne comme le ferait un avocat payant, c’est-à-dire en prenant fait et cause pour cette personne dans une affaire déterminée, en la conseillant, en assistant aux audiences et donc en allant bien plus loin que l’aide juridique de 1ère ligne.
Pour y accéder il faut soit s’adresser directement à un avocat membre du BAJ, soit passer par la 1ère ligne (la CAJ) pour s’en faire renseigner un. Avant, le dossier devait d’abord être inspecté par un membre du BAJ qui analysait la demande et vérifiait le respect des conditions d’accès puis, le cas échéant, désignait un avocat compétent. Aujourd’hui, le BAJ n’analyse plus la demande lui-même mais « renseigne » simplement un avocat spécialisé dans la matière concernée. C’est l’avocat « renseigné » qui, lors du 1er entretien va devoir analyser la demande ainsi que le respect des conditions d’accès, puis compléter et envoyer un formulaire de demande d’intervention au BAJ.
Attention tant que l’avocat n’a pas reçu la confirmation de prise en charge du BAJ, il ne peut pas traiter l’affaire car il ne sera pas indemnisé pour les prestations effectuées avant sa désignation, sauf s’il y a urgence, (une audience en approche ou un délai à respecter). Dans ce cas, l’avocat peut exceptionnellement agir sous le bénéfice de l’urgence pendant 15 jours sans désignation du BAJ. Au-delà de ces 15 jours, le bénéfice de l’urgence ne peut plus être accordé et il aura 3 mois pour régulariser sa situation, introduire une demande en bonne et due forme, et justifier l’action entreprise sous le bénéfice de l’urgence.
En principe, l’avocat n’a pas le droit de refuser une demande sauf si celle-ci est manifestement déraisonnable ou qu’il a déjà reçu trop de dossiers et qu’il ne lui est pas matériellement possible d’assurer un travail correct en les acceptant tous. Dans ce cas la personne est alors réorientée vers le BAJ pour se faire « renseigner » un autre avocat.
Une fois désigné, il n’est pas non plus sensé se désister mais il pourra quand même mettre fin à sa mission en cas de rupture de confiance. A ce moment-là, il doit bien informer la personne de ses droits, faire un rapport et le renvoyer vers le BAJ.
Si vous rencontrez un problème avec un avocat du BAJ, vous devez d’abord essayer de le régler avec lui mais si cela ne fonctionne pas, vous pouvez en informer par courrier le président du bureau d’Aide juridique. Celui-ci demandera à l’avocat de se justifier et pourra, le cas échéant, sanctionner ce dernier soit en lui imposant des conditions supplémentaires (plus de formations – nombre maximal de dossier …), soit en le suspendant de la liste des avocats pro deo ou carrément en le radiant de cette liste. Si le manquement est plus grave, il faut introduire une plainte déontologique devant le bâtonnier.
3° L’assistance judiciaire :
Lorsqu’une personne se trouve dans les conditions pour recevoir l’aide juridique gratuite (voir supra) mais que son litige nécessite de faire appel à un autre intervenant judiciaire que l’avocat tel un notaire pour vendre une maison ou un huissier pour signifier un jugement de divorce, celle-ci peut demander au juge de lui accorder l’assistance judiciaire.
L’assistance permet d’éviter que la personne ne soit pas bloquée dans l’exercice de ses droits parce qu’elle ne sait pas payer un des intervenants. Les frais de notaire ou d’huissier sont ainsi pris en charge par le fond d’assistance judiciaire et la personne ne devra pas les payer.
A noter qu’en cas de recouvrement, si l’intervention est gratuite dans le chef du requérant elle ne l’est pas dans le chef du débiteur. Ce dernier devra quand même payer les frais d’huissier et l’huissier ne fera appel au fond que si son action échoue.
Condition de revenu
Comme on l’a vu, tout le monde peut faire appel à l’aide juridique de 1ère ligne, mais seules les personnes ne dépassent pas un certain seuil de revenu peuvent bénéficier de l’aide juridique gratuite ou de l’assistance judiciaire. Ces seuils sont communs pour toute la Belgique et viennent d’être relevés récemment. Pour plus d’information sur ces seuils, cliquez ICI
L’aide juridique partiellement gratuite consiste à imposer à la personne de payer de sa poche une somme forfaitaire et unique, afin de pouvoir bénéficier du reste de l’intervention de l’avocat gratuitement. Cette somme, comprise entre 25,00€ et 125,00€, doit être payée directement à l’avocat puisqu’elle sera déduite du paiement de ses points pro deo en fin d’année.
Comment calculer le revenu à prendre en compte ?
- Ce qui est pris en compte, ce n’est pas seulement le montant du revenu mais le total de tous les moyens de subsistance dont dispose la personne. Par exemple, les pécules de vacances, les primes de fin d’année ainsi que les remboursements d’impôt sont également considérés comme des moyens de subsistance et mensualisés, c’est-à-dire divisés en 12 et répartis sur le revenu de chaque mois. Le fait d’être propriétaire d’un immeuble n’entre pas en soi dans le calcul des moyens de subsistance, mais par contre si cet immeuble est loué, les loyers seront bien pris en compte. Dans le même ordre d’idée, les sommes présentes sur le compte en banque si elles dépassent 5.000,00€ seront également prise en compte selon une grille de calcul propre au BAJ.
- En cas de cohabitation, il faut aussi tenir compte des revenus des autres cohabitant (sauf exception en cas de divorce, il ne faut pas tenir compte du revenu du futur ex-conjoint)
- Il est par contre permis de déduire une somme de 266€ par personne à charge qui apparait sur la composition de ménage, ainsi que les montants payés à titre de pension alimentaire.
C’est dans le but que vérifier tous ces points qu’il est demandé au justifiable de fournir toute une série de preuves et d’attestations (composition de ménage, Avertissement-extrait-de rôle…) Et cela peut parfois paraitre lourd ou décourageant.
Cependant dans certaines situations, il est tellement évident que les moyens de subsistances de la personne sont inférieurs aux seuils de l’aide juridique gratuite que la loi accorde une présomption de revenu insuffisant, c’est-à-dire qu’elle dispense la personne de prouver le non-dépassement des seuils de revenu. C’est le cas pour ; les allocataires du CPAS – personne en séjour illégal – mineur – en RCD – locataire social. Attention il s’agit seulement d’une présomption c’est-à-dire que l’aide juridique gratuite pourrait encore être refusée si le BAJ peut prouver que son revenu est supérieur aux seuils de revenus fixés.
Pour savoir quelle condition de revenu s’applique à votre situation et quel document il faut fournir, consultez le site du BAJ sous l’onglet "documents". Cette page est assez bien faites et peut vous faire gagner pas mal de temps.
Si en cours de prise en charge, les conditions de revenus venaient à évoluer, l’avocat devra arrêter son intervention PRO DEO et négocier un protocole d’accord payant avec le justiciable. Attention, c’est à la personne de prévenir le médiateur en cas de changement de sa situation financière, s’il ne le fait pas, des poursuites pourraient être envisagées.