Centre d’Appui aux Services de Médiation de Dettes
de la Région de Bruxelles-Capitale

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Quels changements la loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procédure civile, dite loi « pot-pourri I » va-t-elle apporter à votre pratique ? (FEVRIER 2016)

La loi « pot-pourri I » a été adoptée le 19 octobre 2015.Quand elle était encore au stade de « projet de loi », beaucoup de commentateurs ont écrit tout le mal qu’ils pensaient des réformes envisagées. Leurs critiques nous paraissent tout à fait fondées et nous nous y rallions volontiers.

Ici, cependant, il n’est pas question d’apprécier les nouvelles mesures mais bien de voir concrètement ce qu’elles impliquent comme changements dans la manière de traiter les dossiers de médiation.

a) Signification au personnel du Parquet

Lorsqu’il n’est pas matériellement possible de déposer de copie de l’exploit au domicile du débiteur (détruit, terrain en friche, lieu manifestement inhabité,…) ou si le débiteur n’a ni résidence, ni domicile connu en Belgique ou à l’étranger, l’huissier devait, jusqu’ici, signifier ses exploits au Procureur du Roi.

Les nouveaux articles 4-5 de la loi prévoient désormais que cette signification ne doit plus se faire au Procureur du Roi lui-même, mais est valablement faite à un membre du personnel du Parquet.

A priori, cela ne changera rien dans les dossiers de médiation de dettes.

b) Motivations des conclusions selon une forme spécifique

Qu’appelle-t-on « conclusions » ?
Les conclusions sont des actes de procédure par lesquels les parties à un procès formulent leurs demandes et leurs moyens de défense.

Les conclusions peuvent être rédigées par les parties elles-mêmes ou par leur avocat.
Elles doivent être communiquées au préalable à l’adversaire.

Chaque partie conclut chacune à son tour : le défendeur (celui qui est cité) commence, le demandeur réplique et ainsi de suite.
Le dernier mot est laissé au défendeur.

Des règles de procédure relativement complexes déterminent la manière dont les conclusions doivent être communiquées à l’autre partie et le moment où celles-ci doivent l’être.

Jusqu’à présent, le Code judiciaire n’imposait aucune condition de forme aux conclusions, si ce n’est de mentionner l’identité des parties.

Cela change avec la Loi « Pot-pourri I ». Désormais, les conclusions devront respecter une structure bien précise. Si cette structure n’est pas respectée, le juge pourra ne pas tenir compte des arguments qui y sont développés et donc ne devra pas se positionner par rapport à ceux-ci.

En pratique, cette modification concerne essentiellement les avocats mais elle pourrait également avoir un impact sur les personnes qui se défendent seules puisque dorénavant elles aussi devront respecter la structure imposée sous peine de voir leurs arguments écartés par le juge.

Cette nouvelle mesure pourrait également avoir certaines conséquences pour les médiateurs amiables qui ont l’habitude, lorsqu’un de leurs usagers est cité en justice, de faire une petite note à l’attention du Juge soit pour expliquer la situation budgétaire du débiteur, soit pour contester certains frais réclamés en terme de citation (clause pénale abusive, intérêts, mise en demeure comptabilisée alors qu’on est en phase amiable,…).

De deux choses l’une : si la note se contente d’expliquer la situation budgétaire du débiteur en vue d’obtenir des termes et délais raisonnables, elle ne devra pas selon nous revêtir une forme particulière.

Par contre, si cette note conteste certains montants réclamés, elle constitue alors des « conclusions » et devra respecter les formes requises par la loi (cfr nouvel article 744 du Code judiciaire) et idéalement être envoyée au plus tard la veille de l’audience à l’avocat de la partie adverse.

c) Le greffe n’enverra plus de courrier ordinaire aux parties qui sont représentées par un avocat

Comme avant, l’avocat doit informer le greffe de son intervention, dès qu’il est mandaté par un client. Ce qui change à présent est que le greffe n’enverra plus les courriers qu’à ce seul avocat (à l’exclusion donc de son client) aussi longtemps que celui-ci n’aura pas notifié au greffe la fin de son intervention.

Autrement dit, tant que l’avocat n’écrit pas au greffe qu’il n’intervient plus pour telle personne, les courriers continueront à lui être valablement adressés.

Cette obligation s’applique aux seuls avocats. Donc, pas aux médiateurs de dettes judiciaires, même s’ils sont avocats, puisque lorsqu’ils exercent leurs missions de médiateurs, ils sont mandatés par le Juge et non par « un » client.

En pratique, cette nouvelle obligation pour les avocats ne devrait pas changer grand-chose pour nous.

On veillera cependant à vérifier lorsque l’usager a été/ est assisté par un avocat que ce dernier, s’il n’est plus mandaté, a bien fait le nécessaire auprès du greffe. Dans la négative, des courriers très importants pourraient se perdre…

d) Procédure par défaut

Première nouveauté : le jugement rendu par défaut ne doit plus être signifié dans l’année. Comme le jugement contradictoire, il est désormais valable 10 ans.

Auparavant, lorsque le jugement avait été rendu par défaut, il devait être signifié dans l’année sous peine de caducité. Le créancier qui n’avait pas procédé à la signification du jugement par défaut dans l’année devait alors, pour faire « revivre » son jugement, réintroduire une demande auprès du juge qui avait rendu ledit jugement.

Le fait que désormais, un jugement par défaut est valable 10 ans aura plutôt, il nous semble, des conséquences positives. Nous éviterons davantage les frais liés à la signification d’un jugement simplement parce que le créancier veut éviter que celui-ci ne se périme.

On pense notamment à ces situations où, après un jugement par défaut, un plan d’apurement est négocié et accepté par l’huissier, qui procède quand même à la signification du jugement pour éviter la péremption de son titre exécutoire et sauvegarder ainsi les droits de son mandant dans le cas où le plan ne serait plus respecté.

Deuxième nouveauté, nettement moins positive, celle-là : les pouvoirs du juge dans le cadre d’un défaut sont réduits au strict minimum.

Il ne pourra plus examiner le fond de la demande, sauf si manifestement celle-ci heurte l’ordre public. Ce qui signifie qu’il rendra, l’extrême majorité du temps, un jugement conforme à la citation sans pousser très loin ses investigations.

Exit donc, le contrôle par le Juge des clauses pénales, des indemnités de relocation, dommages et intérêts,… ce qui est extrêmement dommageable pour le justiciable qui fait défaut.

e) L’exécution provisoire devient la règle.

Jusqu’ici, l’appel avait un effet suspensif, c’est-à-dire que le jugement rendu en première instance ne pouvait pas être exécuté s’il y avait appel.

Pour annihiler l’effet suspensif de l’appel, il suffisait de demander au Juge que le jugement soit déclaré « exécutoire par provision ». Le Juge qui accordait l’exécution provisoire devait motiver sa décision (la plupart du temps, cette motivation était réduite à sa plus simple expression).

La règle est dorénavant inversée. Tout jugement rendu en première instance sera d’office exécutoire, sauf si le juge en décide autrement par décision motivée (et sauf pour certains jugement qui concernent l’état des personnes).
L’opposition, elle, reste suspensive.

En pratique, ce changement de législation ne devrait pas entraîner de bouleversement majeur dans la mesure où, à l’heure actuelle, l’exécution provisoire d’un jugement, d’exception est déjà devenue la règle.

f) Nouvelle procédure non judiciaire pour le recouvrement des créances non contestées entre professionnels

Au plus tard le 1er septembre 2017, les huissiers de justice seront compétents pour délivrer eux-mêmes un titre exécutoire au terme d’une procédure qui ne nécessitera aucun recours au Juge.

Ainsi, le nouvel article 1394/20 du Code judiciaire habilite l’huissier à recouvrer « au nom et pour le compte du créancier, toute dette non contestée qui a pour objet une somme d’argent, quel qu’en soit le montant, augmenté des majorations prévues par la loi et des frais du recouvrement ainsi que, le cas échéant et à concurrence de 10% du montant principal, de tous les intérêts et clauses pénales », pour autant que le créancier et le débiteur soient tous deux inscrits à la Banque Carrefour des Entreprises.

Autrement dit, il faut que le créancier et le débiteur soient tous deux « des professionnels » (relations B 2 B ).

La procédure envisagée sera (en résumé) la suivante :

  • Envoi au débiteur, par l’huissier de justice mandaté par l’avocat du créancier, d’une sommation de payer dans le mois. Cette sommation devra reprendre les montants dus et les justifications de ceux-ci. A cette sommation, devront être jointes les pièces probantes dont dispose le créancier ainsi qu’un formulaire de réponse (dont le modèle sera établi par Arrêté Royal).
  • A l’aide du formulaire de réponse, le débiteur pourra, dans un délai d’un mois à partir de la sommation, soit payer, soit contester la dette, soit demander des délais de paiement.
  • Si le débiteur paie la dette ou s’il la conteste, le recouvrement par voie d’huissier prendra fin. Si le créancier veut poursuivre le recouvrement, il devra le faire de manière classique, par voie judiciaire.
  • Si des délais de paiement sont convenus, le recouvrement sera suspendu.
  • Si le débiteur ne réagit pas, l’huissier établira un procès-verbal de non contestation. Ce PV sera rendu exécutoire par un magistrat du Comité de gestion et de surveillance près du fichier central des avis de saisies, de délégation, de cession, de règlement collectif de dettes et de prôtet.

En pratique, dès son entrée en vigueur, cette nouvelle procédure pourrait avoir des conséquences importantes dans tous les dossiers de médiation de dettes (amiable) mettant en cause un indépendant (même non commerçant).

Par ailleurs, il y a fort à parier que cette nouvelle procédure, si elle ne concernera dans un premier temps que les professionnels, risque d’être étendue (si elle est concluante) aux dettes des particuliers. Ce qui serait catastrophique quand on connaît déjà la rigueur avec laquelle certains huissiers de justice font application de la loi sur le recouvrement amiable…

f) Enfin, parmi les nouvelles mesures adoptées, on citera encore la généralisation des chambres à Juge unique au sein des tribunaux de première instance et des cours d’appel et la limitation des interventions du ministère public en matière civile.

Si ces modifications n’ont pas d’impact direct sur le travail de médiation de dettes en tant que tel, il est évident qu’elles ne contribueront pas à améliorer la qualité de la procédure civile, ce dont risquent de pâtir certains médiés.

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