Une saisie simplifiée du SPF Finances : Que faire ? (NOVEMBRE 2023)
Si vous avez une dette impayée envers l’Etat, vous devez prendre les devants et les contacter pour demander des facilités de paiement (voir notre article : Comment négocier avec le SPF Finances). Si vous ne le faites pas, vous risquez de subir rapidement une saisie.
Normalement, seul un huissier est habilité à effectuer une saisie. Cependant, le législateur a accordé au SPF Finances le pouvoir de se passer de l’intervention de l’huissier pour effectuer lui-même, et uniquement pour son propre compte, des saisie-arrêt dites « simplifiées ». De quoi s’agit-il ?
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LES CARACTÉRISTIQUES DE LA SAISIE-ARRÊT SIMPLIFIÉE
Contrairement à la saisie classique effectuée par un huissier de Justice, la saisie-arrêt simplifiée est mise en œuvre par le SPF Finances via ses Teams Recouvrement sous la responsabilité d’un Receveur. Au début elle était surnommée la saisie-arrêt « fiscale » parce qu’elle n’était possible que pour le recouvrement des dettes d’ IPP et de TVA. Elle a depuis été autorisée pour toutes les créances dont le recouvrement est confié à l’Administration Générale de Perception et de Recouvrement au sein du SPF Finances (l’AGPR).
Par rapport à une saisie « classique » par voie d’huissier, la saisie simplifiée est :
- Moins formelle : les actes (la saisie et la dénonciation) ne sont pas signifiés par huissier de justice mais sont envoyés par lettre recommandée à la poste. Les correspondances entre le tiers saisi et le SPF Finances peuvent même faire l’objet d’un envoi électronique si un protocole a été convenu entre eux au préalable.
- Moins chère : seuls les frais réels d’envoi recommandé vont être comptabilisés. Ces frais sont d’environ 6€ par envoi et il faut compter 3 envois pour une saisie sur revenu. A ces envois recommandés, il faut ajouter, le cas échéant, les frais de déclaration de tiers saisi qui peuvent être réclamés par ce dernier pour l’établissement de cette déclaration. Cependant, si les employeurs saisis évitent généralement d’imposer ce surplus à leur employé, les banques, elles, ne s’en privent pas (voir ci-dessous la saisie sur compte)
- Plus rapide : le SPF peut faire directement les vérifications nécessaires et envoyer son acte par la poste sans besoin de passer par un intermédiaire.
- Plus modulable : le SPF n’agit que pour sa créance contrairement à l’huissier qui doit tenir compte de tous les créanciers connus. Le SPF peut donc à sa guise annuler la saisie, la limiter, voire la suspendre s’il n’y a pas une autre saisie-arrêt en cours.
- Facile à contrer : contrairement à l’opposition dans la procédure de saisie classique, qui doit être faite devant le juge des saisies par citation, l’opposition dans la procédure simplifiée se fait par simple courrier recommandé au SPF. L’opposition rend « inopérante » la saisie simplifiée. Cependant, à compter de l’opposition, les sommes saisies restent encore bloquées pendant un mois entre les mains du tiers saisi. Au terme de ce délai d’un mois, elles seront restituées au débiteur, sauf si le SPF Finances a procédé à une saisie « classique » par voie d’huissier durant ce laps de temps.
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LA PROCÉDURE DE SAISIE-ARRÊT SIMPLIFIÉE
Une saisie arrêt simplifiée doit respecter les mêmes étapes qu’une saisie classique. La procédure est la suivante :
- DERNIER RAPPEL AVANT SAISIE : Avant de procéder à des mesures de recouvrement forcé (saisie, etc), l’administration organise une phase de recouvrement amiable. Cette phase consiste en l’envoi par courrier simple d’une sommation de payer. Cette sommation ne peut être envoyée qu’à l’expiration d’un délai de 10 jours après la date à laquelle la dette aurait dû être payée. Cette sommation doit laisser un mois au débiteur pour payer. Ce n’est que si le débiteur ne paie pas au terme de ce délai que l’Administration peut recourir à la saisie simplifiée.
- LA PRISE DE RENSEIGNEMENTS : Avant de procéder à la saisie, le Receveur se renseigne auprès de différentes bases de données auxquelles il a directement et gratuitement accès comme l’ONSS qui l’informe sur l’éventuel employeur et le Point de Contact Central (ou PCC) qui le renseigne sur les comptes bancaires ouverts au nom du débiteur. Le Receveur ne connait pas à ce stade le montant de la rémunération ni le solde du compte en banque, qui ne peut pas lui être communiqué sans l’accord du débiteur. Il est vrai que le PCC le renseigne dans une certaine mesure sur les montants présents sur le compte, mais cette information n’est pas actualisée puisqu’elle n’est mise à jour que 2 fois par an. (Voir notre article Le Point de Contact Central ou PCC).
- LA SAISIE : le SPF envoie, par courrier recommandé, un acte de saisie au débiteur de son débiteur. Il s’agira le plus souvent d’une banque, d’un employeur ou d’un organisme de paiement de revenus de remplacement, mais cela pourrait aussi être tout autre tiers redevable d’une certaine somme envers le débiteur comme ses locataires s’il est bailleur ou ses clients s’il est indépendant. Celui-ci devient le « tiers saisi » et dispose de 15 jours pour envoyer sa « déclaration de tiers saisi » au SPF.
- LA DÉCLARATION DE TIERS-SAISI : Il s’agit d’un détail de toutes les sommes ou de tous les droits dont il est débiteur envers le débiteur, ainsi que ces modalités. Par exemple en cas de saisie sur revenu, la déclaration doit indiquer le montant du revenu ainsi que le type de contrat (CDI, CDD, Interim, …).
En cas de saisie sur compte, la déclaration de tiers-saisi contient également certains extraits de compte. Il s’agit des extraits de compte des 30 jours qui précèdent la saisie et qui concernent le versement d’un revenu partiellement ou totalement insaisissable. La banque peut facilement identifier ces revenus parce que leur communication commence par un « /A/ », « /B/ » ou « /C/ ».
- LA DÉNONCIATION : Dans les 8 jours de la saisie, le SPF doit prévenir le débiteur qu’une saisie a été effectuée à son encontre. Cette action se fait également par courrier recommandé. Le débiteur, qui est alors officiellement au courant de la saisie, dispose d’un délai de 15 jours pour s’y opposer le cas échéant. C’est le SPF qui doit prévenir le débiteur mais celui-ci est souvent déjà au courant parce que le tiers saisi l’en a informé ou parce que son compte a été bloqué suite à la saisie.
- LA DÉCLARATION D’ENFANT À CHARGE : Si la saisie concerne des revenus protégés en vertu du code judiciaire, l’acte de dénonciation contient également un formulaire d’enfant à charge. C’est un document très important qu’il s’agit de remplir et de retourner au SPF et au tiers saisi au plus vite pour obtenir une réduction des montants qui peuvent être saisis. Cela doit être fait même si le tiers saisi est déjà au courant de l’existence d’enfants à charge. En effet, la notion d’« enfant à charge » en matière de saisie n’est pas la même qu’en matière fiscale et il ne pourra en tenir compte que s’il reçoit le formulaire en question. Ce document doit être renvoyé dans les 15 jours de la dénonciation pour qu’il en soit tenu compte dès la 1ère retenue. Il est toujours possible de l’envoyer plus tard mais il n’en sera tenu compte que pour la suite. Pour plus d’infos consultez notre article Les quotités insaisissables.
- LA CONTRE-DÉNONCIATION : S’il n’y a pas eu d’opposition à la fin des 15 jours qui suivent la saisie, le SPF envoie alors au tiers saisi une « contre-dénonciation », c’est-à-dire une copie de la dénonciation faite au débiteur 15 jours plus tôt et l’indication que, vu l’absence d’opposition, la saisie doit bien sortir ses effets et les sommes doivent être transférées, en respectant les règles d’insaisissabilité totale (Voir La protection totale ou partielle des revenus en cas de saisie-arrêt) et/ou partielles (Voir Les montants insaisissables) des revenus.
- LE CALCUL DES SOMMES SAISISSABLES : En cas de saisie sur compte, il y a une étape intermédiaire. Dans les 8 jours de la réception de la déclaration de tiers saisi contenant les extraits de compte relatifs aux revenus potentiellement protégés, le SPF doit envoyer au tiers-saisi et au débiteur saisi un détail du CALCUL DES SOMMES SAISISSABLES. Ce calcul est un peu particulier puisque les revenus protégés qui arrivent sur le compte courant ne sont protégés que pendant un mois, avec une protection qui diminue de 1/30 par jour. Pour plus d’informations, consultez l’article La protection des sommes versées. Dès réception de ce calcul, la banque peut libérer les sommes insaisissables et le débiteur peut de nouveau en disposer à sa guise. La réception de ce calcul lance également un délai de 8 jours pendant lequel le débiteur pourra s’opposer au calcul par envoi d’un recommandé avec accusé de réception. Les sommes saisissables, quant à elles, ne seront transférées au SPF qu’après l’écoulement d’un délai de 15 jours qui suit la réception de la contre-dénonciation comme pour n’importe quelle autre saisie.
- LA MAINLEVÉE : Si la saisie porte sur une CRÉANCE UNIQUE comme un compte bancaire ou le paiement d’une facture, la saisie ne vaudra que pour le jour (et même l’heure) de la saisie et le transfert des sommes mettra fin à la procédure. Si par contre c’est un REVENU PÉRIODIQUE qui est saisi comme un revenu du travail ou un loyer (un remboursement d’impôt est aussi considéré comme un revenu périodique mais le SPF n’a pas besoin de la saisir puisqu’il peut directement effectuer une compensation) le tiers saisi devra maintenir la saisie et continuer les transferts jusqu’au paiement de la dette reprise dans la saisie. Contrairement à une saisie classique par huissier, qui continue aussi longtemps que toutes les créanciers du débiteur n’ont pas été remboursés, (voir l’article Comment arrêter une saisie-arrêt sur revenu) la saisie-arrêt simplifiée ne vaut que pour la dette à l’origine de la saisie. Lorsque celle-ci est payée, le SPF doit donner mainlevée de la saisie. Si le SPF veut y joindre une autre dette (comme une nouvelle amende pénale) il devra d’abord effectuer une nouvelle « saisie ».
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REMARQUES PROPRES À LA SAISIE SUR COMPTE :
Vu les avantages de la saisie simplifiée, le SPF Finance y recourt abondamment. Il n’hésite pas à utiliser le mécanisme de la saisie sur compte pour effectuer un « coup de sonde » sur le compte de la personne et vérifier qu’elle ne conserve pas des montants sur son ou ses comptes en banque plutôt que de payer sa dette. Même s’il n’y a rien à « saisir », les conséquences pour le débiteur sont importantes.
- Même s’il n’y a rien à saisir, la banque va bloquer les comptes dès réception de la saisie. Le compte peut rester bloqué pendant plus de 20 jours le temps que la procédure arrive à son terme (15 jours pour la déclaration de tiers saisi + 8 jours pour le calcul des sommes saisissables + délais postaux).
Pendant ce temps, le débiteur n’a plus accès à son compte. C’est pourquoi certaines personnes pensent que le SPF a saisi tout leur argent alors que ça n’est pas forcément le cas.
Heureusement, les personnes saisies ont la possibilité de faire accélérer le déblocage du compte si elles prouvent qu’il n’y a sur le compte que des sommes insaisissables, comme détaillé dans l’article Saisie sur compte des bénéficiaires du RIS
A noter : Certaines banques ne bloquent pas l’intégralité du compte. Elles se contentent de bloquer uniquement les sommes qui s’y trouvent à la date de la saisie et de les rendre indisponibles. Nous pensons que c’est une bonne pratique qui devrait être généralisée car elle permet au contribuable de continuer à utiliser son compte si des versements arrivent postérieurement à la saisie.
- Ensuite, au motif que la saisie simplifiée n’engendre que peu de frais, il arrive que le SPF en pratique plusieurs sur un court laps de temps alors même que les 1ères n’ont rien rapporté du tout. Cependant, cela n’est pas sans conséquences puisque le tiers saisi a le droit de réclamer des frais compris entre 70 et 120€ pour sa déclaration de tiers-saisi. Si les employeurs évitent généralement d’imposer ce surplus à leur employé, les banques, elles, ne s’en privent pas. Ce frais sera facturé au débiteur en vertu de l’article 20 du CRAF et déduit des sommes insaisissables.
- Enfin, une saisie-arrêt auprès d’un organisme bancaire ne se limite pas aux seuls comptes bancaires et va impacter toutes les avoirs que cet organisme détient au nom du débiteur. Par exemple, si le débiteur travaille pour la banque en question, la saisie s’appliquera à ses comptes mais aussi à son salaire, et à tous les autres investissements qu’il pourrait y avoir comme une épargne-pension, des actions ou un compte titre. Lorsqu’il s’agit d’un compte « bloqué » comme une épargne-pension ou une garantie locative, la saisie ne sortira pas ses effets immédiatement mais perdurera jusqu’au moment de la libération du solde comme la pension ou le déménagement.
- En cas de saisie sur un compte commun (par exemple un compte ouvert avec l’ex-conjoint), il appartient aux autres co-titulaires qui ne sont pas saisis de demander la levée partielle de la saisie par requête au juge des saisies à condition de démontrer leur participation dans l’avoir en compte.
Par contre les comptes-tiers, comme ceux ouverts par le médiateur judiciaire ou l’administrateur de biens, même s’ils sont au nom de la personne-saisie, ne seront pas impactés par la saisie.
Une saisie-arrêt simplifiée sur compte bancaire est loin d’être sans dommage pour le débiteur, et sa répétition non justifiée pourrait même être le cas échéant considérée comme abusive. Si c’est votre cas, n’hésitez pas à en avertir le Conciliateur Fiscal (plus d’infos ICI), ou le Médiateur Fédéral (plus d’infos ICI) qui veille au respect du principe de bonne administration. Mais attention, avant de les contacter, il faut au moins avoir essayé au préalable de résoudre le souci avec le SPF Finances.