Centre d’Appui aux Services de Médiation de Dettes
de la Région de Bruxelles-Capitale

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Les personnes sous surveillance électronique n’ont pas droit au revenu d’intégration sociale (JUIN 2023)

En 2014 [1] déjà, le secteur de l’aide aux justiciables mettaient en évidence le fait que les personnes sous surveillance électronique n’avaient pas droit au revenu d’intégration sociale au motif qu’elles dépendaient du SPF Justice et non du SPP Intégration sociale et que dès lors ces personnes ne percevaient pas un revenu conforme à la dignité humaine.
Ce dispositif légal crée des situations de surendettement, maintient les personnes dans une grande précarité et constitue un frein important au bon déroulement des projets de réinsertion des justiciables. En effet, comme nous allons le voir ci-dessous, le montant octroyé aux personnes sous surveillance électronique ne leur permet pas de mener une vie conforme à la dignité humaine et de faire face aux dépenses quotidiennes, aux dettes éventuelles accumulées durant la détention ainsi qu’aux dettes découlant de la condamnation.

Monsieur X, 2 enfants (famille monoparentale), sort de prison avec le bracelet électronique en tant que modalité d’exécution de sa peine.
N’ayant pas droit au revenu d’intégration sociale en raison de son statut de détenu ni au chômage car il n’a pas assimilé assez de jours de travail, il demande au SPF Justice l’allocation entretien détenu.
N’ayant pas de travail ni d’allocation de chômage parce qu’il n’a pas assimilé assez de jour de travail, il n’a pas d’autre revenu qu’une allocation d’entretien de détenu puisque le droit au revenu d’intégration sociale lui est refusé en raison de son statut de détenu.

Celle-ci s’élève à 145,95 euros par semaine.

Monsieur se rend compte qu’il ne peut pas faire face à son loyer ni aux charges de la vie quotidienne avec ses deux enfants en ayant entre 600 et 660 euros par mois.
Il prend rendez-vous au CPAS pour demander une aide sociale financière complémentaire mais l’assistant social du CPAS, avant l’introduction de sa demande, lui dit que ce sera refusé car le CPAS n’est pas compétent pour les personnes en bracelet électronique.

Monsieur est très inquiet car il ne sait plus payer son loyer ni ses charges et il est dans l’incapacité de rembourser les a en plus été condamné à payer des parties civiles, les amendes pénales et les frais de justice auxquels il a été condamné.
Voici une situation à laquelle les services de médiation de dettes et d’aide aux justiciables sont confrontés régulièrement.

La surveillance électronique en quelques mots

La surveillance électronique est une modalité d’exécution de la peine privative de liberté. Elle permet d’exécuter une peine privative de liberté en dehors de la prison. Le justiciable réside à l’adresse qu’il mentionne et porte un bracelet électronique. Il est soumis au respect de conditions et d’un horaire spécifique établi préalablement en fonction de ses activités (formation, emploi, bénévolat, etc.).

L’instance chargée du contrôle du respect de l’horaire est le Centre national de surveillance électronique et celle chargée du contrôle du respect des conditions est la Maison de Justice.
La mesure de surveillance électronique a plusieurs objectifs, notamment, favoriser la réinsertion en limitant l’exclusion et en maintenant les liens sociaux, familiaux et professionnels du justiciable, diminuer le taux de récidive et lutter contre la surpopulation carcérale tout en diminuant les coûts liés à l’exécution d’une peine privative de liberté.

Il existe plusieurs types de surveillance électronique prononcés par différentes instances, selon la condamnation de la personne et selon le stade de la procédure :

  • Alternative à la détention privative de liberté [2], avant toute condamnation : le justiciable sera consigné en permanence à l’adresse mentionnée et ne pourra sortir que pour des cas exceptionnels prévus par la loi.
  • Modalité d’exécution de la peine pour les personnes condamnées : les modalités diffèrent selon que la personne a été condamnée à moins de 3 ans [3] ou à plus de 3 ans [4].
  • Peine autonome [5] lorsque le fait commis est de nature à entraîner une peine de prison de maximum un an : c’est le tribunal de police ou le tribunal correctionnel qui peut alors condamner la personne à titre de peine principale à la surveillance électronique.
  • Peine complémentaire décidée par le Tribunal de l’Application des peines dans le cadre d’une mise à disposition [6].

Quel revenu pour une personne sous surveillance électronique ?

Etant sous surveillance électronique, le justiciable ne se trouve plus à la prison. Il doit subvenir à ses besoins et prendre en charge tous les frais inhérents à la vie en société : loyer, besoins alimentaires, factures, … tout en ayant des contraintes plus ou moins grandes liées à la mesure de surveillance électronique.

Dans certaines situations, il aura l’autorisation de sortir de chez lui et de travailler dans d’autres pas (détention sans heure de sortie, restrictions de déplacements, etc).
En outre, il est toujours inscrit au rôle de la prison et est donc considéré comme étant « détenu », à charge du SPF Justice . Une exception : si la mesure de surveillance électronique a été prononcée en tant que peine autonome, le justiciable n’est pas à charge du SPF Justice.

Cela a des conséquences au niveau des revenus auxquels il peut prétendre.
Si le justiciable est âgé, handicapé ou malade, il pourra bénéficier des indemnités de la mutuelle, d’une pension et des allocations pour personnes handicapées.
De manière générale, si le justiciable est dans les conditions d’accès aux allocations de chômage, il pourra également en bénéficier durant sa surveillance électronique, sauf s’il est en détention préventive sans heure de sortie. Dans ce cas, il n’aura pas l’autorisation de travailler et n’étant pas disponible sur le marché de l’emploi, il ne pourra pas non plus percevoir d’allocations de chômage.

Vers quelle source de revenu peut-il alors se tourner ?

S’il n’a pas d’autre source de revenus à sa sortie de prison, il peut faire une demande « d’allocation entretien détenu », versée par le SPF Justice. Il lui est demandé de prouver à l’aide d’attestations qu’il ne perçoit ni les allocations de chômage ni le revenu d’intégration sociale.

Cette allocation entretien détenu s’élève à 97.30 euros par semaine soit en moyenne 440 euros/mois pour un cohabitant et à 145.95 euros par semaine soit en moyenne 650 euros/mois pour une personne isolée.

Ces montants n’ont quasiment pas augmenté depuis 2013 et sont inférieurs à ceux du revenu d’intégration sociale qui pour rappel étaient au 01-01-2023 de 789.29 euros/mois pour un cohabitant et de 1183.94 euros/mois pour une personne isolée et de 1600,03 euros pour une personne qui cohabite avec au moins une personne à sa charge.

Ils sont également largement inférieurs aux indicateurs du seuil de la pauvreté qui sont de 1293 euros par mois pour une personne isolée [7].

Le fait que cette allocation est payée sur une base hebdomadaire complique encore un peu plus la gestion budgétaire des personnes qui s’organise le plus souvent autour d’échéances mensuelles.

Et l’aide du CPAS ?

Face à ces différences, on pourrait imaginer que le justiciable puisse faire une demande au CPAS pour obtenir une aide sociale financière comme complément de son allocation, afin que celle-ci atteigne le montant reconnu comme étant le minimum pour vivre conformément à la dignité humaine.

Dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi. Lorsque le justiciable se présente au CPAS pour faire une demande, il n’a en général pas l’occasion de l’introduire et se heurte directement à un refus car il est considéré comme étant à charge du SPF Justice.

Le SPP Intégration sociale, en mars 2022, a répondu clairement à la question sur son site internet, dans sa rubrique « Questions fréquemment posées : « Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 7 février 2014 instaurant la surveillance électronique comme peine autonome, il y a un risque de confusion. En effet, les personnes qui rentrent dans le cadre de la loi du 7 février 2014 ne tombent pas sous l’application de l’article 39 de l’AR contrairement aux personnes qui sont condamnées à une autre peine et qui exécutent cette peine sous bracelet électronique. Les personnes qui sont soumises à la surveillance comme peine autonome ne sont pas aidées par la SPF Justice car elles ne sont pas inscrites au rôle de l’établissement pénitentiaire et pourront donc recevoir le revenu d’intégration » [8].

Il faut donc distinguer deux situations :
Dans le cas où la peine de surveillance électronique est une peine autonome, la personne n’est pas inscrite au rôle de l’établissement pénitentiaire et peut donc percevoir le revenu d’intégration, si toutefois elle répond aux conditions d’octroi.
Par contre, dans le cas où la peine de surveillance électronique est une modalité d’exécution de la peine et que par conséquent la personne reste inscrite au rôle de l’établissement pénitentiaire, le paiement du revenu d’intégration est suspendu. Il s’agit ici de la majorité des cas.

Conséquences concrètes

Cette situation ne fait qu’aggraver la précarité dans laquelle se trouve déjà le justiciable : difficultés pour trouver un logement, pour payer ses factures, pour prendre en charge ses dettes, … La surveillance électronique entraîne une restriction des déplacements et de leur durée et cela peut induire des dépenses supplémentaires également.

Il a été observé que cet accroissement de la précarité a mené dans plusieurs situations à la perte du logement, l’allocation entretien détenu ne permettant pas d’assumer un loyer sur le marché privé et est même insuffisante pour un logement d’une agence immobilière sociale.

Ce problème est également observé au niveau des maisons d’accueil [9]. Certaines d’entre-elles revoient leur position par rapport à ce public en grande précarité financière et refusent de travailler avec lui. La maison d’accueil prélève en effet une partie du revenu de la personne pour faire face aux frais d’hébergement, de repas, … L’allocation entretien détenu ne suffit pas pour faire face à ces frais.

De même, les possibilités de bénéficier d’un logement de transition dont le loyer est plus bas que sur le marché privé, sont également limitées en raison du montant de l’allocation entretien détenu qui ne permet pas de prendre en charge un loyer, les factures de base, une alimentation correcte, … Le fait que l’allocation soit versée chaque semaine est également un élément qui vient compliquer la gestion budgétaire de la personne.

Conclusion

La plupart des personnes sous surveillance électronique ont recours au soutien de leur famille et/ou entourage pour combler le manque de moyens lié à la trop faible allocation du SPF justice. Cela a plusieurs incidences néfastes. Tout d’abord, cela maintient le justiciable dans une situation de dépendance financière avec sa famille entravant toutes perspectives d’autonomisation et de responsabilisation. Ensuite, outre le maintien de la personne dans un état de grande précarité, cela appauvrit considérablement le milieu d’accueil souvent déjà précaire. L’économie réalisée par le SPF Justice en plaçant les détenus en surveillance électronique se fait au détriment de la situation économique des milieux d’accueil.

Nous estimons que l’allocation d’entretien détenu (qui porte bien mal son nom) devrait au minimum s’aligner sur les indicateurs du seuil de la pauvreté et être payée mensuellement et non de manière hebdomadaire. Il est primordial que les personnes sous surveillance électronique puissent avoir un revenu conforme au minimum reconnu pour pouvoir vivre dignement.

Comment pourraient-elles sinon travailler correctement à leur réinsertion dans de telles conditions et retrouver leur place dans la société ?

https://www.alterechos.be/bracelets-electroniques-libres-mais-sans-le-sou/
https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A248237/datastream/PDF_01/view

Nous soutenons le secteur de « l’aide au détenu » qui plaide pour que les détenus sous surveillance électronique (SE) relèvent du SPP intégration sociale (et puissent prétendre au revenus d’intégration sociale) ou à tout le moins pour une augmentation du montant de l’allocation détenu.

En outre, il est important de veiller à ce que chaque demande d’aide sociale pour compléter l’allocation d’entretien détenu du SPF Justice puisse être entendue et examinée par le Conseil du CPAS. Il ne revient pas à l’assistant social de prendre la décision de refus. En outre sans refus du Conseil, toute possibilité de recours devant les tribunaux du travail est impossible pour le demandeur. Cela empêche, de surcroit, toute possibilité de se baser sur les décisions des précédents recours (trop peu nombreux) pour faire évoluer la situation favorablement. Voyez notre article L’AIDE DU CPAS : QUELS SONT VOS DROITS en ce sens.

[2Loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive modifiée par la loi du 27 décembre 2012 portant des dispositions diverses en matière de justice.
Arrêté royal du 26 décembre 2013 portant exécution du Titre II de la loi du 27 décembre 2012 portant des dispositions diverses en matière de justice.
Circulaire ministérielle ET/SE-3 du 31/12/2013 relative à la détention préventive sous surveillance électronique.

[3Loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine.
Arrêté royal du 29 janvier 2007 déterminant le contenu concret au programme de détention limitée et de surveillance électronique.
Circulaire ministérielle du 17/07/2013 n° ET/SE-2 – Réglementation de la surveillance électronique en tant que modalité d’exécution de la peine d’emprisonnement lorsque l’ensemble des peines en exécution n’excède pas trois ans d’emprisonnement (mise à jour suivant les CM du 26 novembre 2015 et du 29 avril 2016).
Circulaire ministérielle n°1771 du 17/01/2005 sur la libération provisoire modifiée par la circulaire ministérielle n°1816 du 10/01/2014.

[4Loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine.
Arrêté royal du 29 janvier 2007 déterminant le contenu concret au programme de détention limitée et de surveillance électronique modifié par l’arrêté royal du 16 juillet 2008.

[5Articles 37ter et 37quater du Code pénal

[6Articles 34bis à 34quinquies du Code pénal

[9Si vous souhaitez poursuivre la réflexion, une matinée d’échanges est organisée par l’AMA le 5 juin 2023 sur le thème : « Bracelet électronique et hébergement : trop la galère » - https://www.ama.be/amatinees-2023/

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